La compagnie des spectres, Lydie Salvayre
Je viens de terminer La compagnie des spectres, court roman de Lydie Salvayre, qui a reçu le Prix Novembre puis a été élu « Meilleur Livre de l’année » par le magazine Lire en 1997.
Un huissier vient saisir un appartement habité par une mère et sa fille. Mais cette visite perturbe l’équilibre mental fragile de la mère de la narratrice, qui oscille entre le présent et l’année 1943, année charnière où sa vie a basculé.
L’huissier assiste alors impuissant au déferlement de ses souvenirs, à l’invasion des fantômes du passé, tempérés tant bien que mal par la narratrice.
Le passé se mêle au présent, les réminiscences de la guerre contaminent la réalité, jusqu’à ce que la malade confonde l’huissier avec des personnages historiques et se mette à l’insulter.
La situation dégénère alors…
Difficile de parler de ce court roman sans paraître plonger dans le pathos alors que le comique est pourtant là.
Huis-clos dans un appartement de Créteil, le récit alterne intrusions dans le passé et travail méthodique de l’huissier qui prend en note tout le mobilier. L’alternance cocasse de ces situations dédramatise la scène.
L’année 1943 a été très dure pour la mère de la narratrice (nous apprenons dès les premières pages pourquoi) et celle-ci est littéralement perdue dans ses souvenirs, oubliant par là même de s’occuper de sa fille. Celle-ci en souffre, et tout comme sa mère, se sent abandonnée par la sienne.
Lydie Salvayre manie la langue française avec précision et humour. Son style incisif percute le lecteur de plein fouet. La ponctuation est rare, laissant au lecteur le soin d’accorder paroles et pensées à chaque personnage.
Le lecteur se sent emporté avec humour dans cette situation pourtant tragique.
A lire pour la plume de Lydie Salvayre, trop peu connue encore, et qui mérite grandement de l’être davantage…
« Êtes-vous en possession d’un véhicule terrestre à moteur ? me demanda-t-il à brûle-pourpoint. C’était là un curieux introït. » p.13
« Ma mère, qui a beaucoup souffert, habite synchroniquement le passé et le présent, car la douleur a cette étrange vertu, dis-je métaphysique en diable, qu’elle abolit le temps ou qu’elle le désordonne, cela dépend des cas. »p.29
« Son esprit intemporel opère d’incessantes navettes entre l’année 1943 et la nôtre, sans nul égard pour la chronologie officielle, c’est un symptôme, semble-t-il très difficile à expurger. » p.29
« La tristesse qui me gagnait n’était pas sans mélange. Mille sentiments pénibles surgis dès le matin et que je m’étais efforcée tant bien que mal de refouler, venaient soudainement y converger. La colère. L’humiliation. La honte. La douleur d’être tiraillée entre deux volontés ennemies : celle de paraître conforme à tous égards, combattue par celle, non moins tenace, de tout envoyer dinguer : l’huissier, ma mère et d’ailleurs toute cette histoire. »p.131
Son « BW » ne me tente pas du tout mais celui-ci pourquoi pas C’est fou comme les huissiers s’en prennent toujours plein la tronche^^
Personnellement, j’ai beaucoup ri avec les élucubrations de la mère, même si finalement le contexte de la guerre est assez rude…
Je lirai volontiers ce livre car j’ai beaucoup aimé son BW!
dévore encore !
Tu donnerais envie de lire frénétiquement à un ado de première scientifique (de la fiction j’entends, les révisions scolaires ne comptent pas).
Continue à nous faire saliver, c’est bien pratique pour tourner les pages qui plus est..!
Guithimst, ma beauté!
Merci pour vos commentaires ! Mango : j’espère qu’il te plaiera.
Tosty : merci merci et encore merci de ton soutien inconditionnel… Et vive Gotham City (on ne le dit pas assez…)