Le livre rouge, Meaghan Delahunt
Meaghan Delahunt est née à Melbourne en 1961 et vit aujourd’hui en Ecosse. Son premier roman, In the Blue House, a été finaliste du Orange Prize. Le livre rouge est son second roman, et le premier à être publié en France.
Une fois n’est pas coutume, je préfère laisser la place au résumé de l’éditeur, mieux construit que ce que je tente de faire aujourd’hui, assommée par les médicaments contre ma pharyngite…
« Trois personnages se croisent en Inde. Françoise, une photographe australienne, est venue à Bhopal dans le cadre d’une recherche sur les suites du drame de cette ville où, vingt ans plus tôt, une fuite de gaz toxique dans l’usine Union Carbide a tué des milliers de gens. Ils se sont croisés sans se connaître des années auparavant, il y a Naga, un réfugié tibétain dont la famille est morte dans la catastrophe et Arkay, un voyageur écossais qui a trouvé un refuge dans le bouddhisme.
Ils étaient tous les trois pleins de promesses et d’espoirs. Françoise rassemble des photographies de leurs vies dans ce Livre rouge. Ces photos racontent leurs histoires d’amour, de lutte et de transformation – elles révèlent les gens qu’ils ont été et ce qu’ils vont devenir, les vies qui s’entrelacent et se séparent. »
Je vous l’annonce sans détour et dès le préambule de ce billet : ce roman a été une véritable claque pour moi. Et ce à plusieurs niveaux…
Tout d’abord parce qu’il aborde avec beaucoup de pudeur la catastrophe de Bhopal. Sans voyeurisme, sans victimisation ni manichéisme (et pourtant…), les faits nous sont relatés dans les grandes lignes. Ici, pas de jugement mais un constat amer sur les conséquences de cette fuite de gaz : des milliers de morts, certes, mais aussi des populations malades et infectées plus de vingt ans plus tard, qui ne reçoivent aucune indemnité pour se faire soigner, et s’endettent pour recevoir quelques médicaments.
Ensuite parce que ce livre condense en 280 pages très fragmentées une intrigue dense, mêlant réalité et fiction, qui se déroule sous nos yeux avec une force incroyable. En partant de l’idée du travail de photographe, Meaghan Delahunt revient sur un pan de l’Histoire de l’Inde et tisse autour la trame de ses personnages. Trois époques se chevauchent, celles de chacun des personnages, et tout converge vers leur rencontre. C’est un schéma qui peut sembler assez classique, mais qui est tissé avec brio ici. Bhopal est le centre de tout. L’Orient et l’Occident se rencontrent. Les personnages se découvrent, s’apprivoisent, s’aiment.
Enfin, Meaghan Delahunt émaille son texte d’images nombreuses et poétiques qui donnent à cette lecture une dimension toute particulière. Elle analyse avec beaucoup de justesse les rapports entre Orient et Occident, les préjugés qui demeurent des deux côtés, et la fascination exercée par chacun sur l’autre. Ses personnages sont complexes, malgré la brièveté de son texte, et donnent à voir des personnalités riches en contradictions, très vraisemblables. Une réussite !
Meaghan Delahunt aborde avec intelligence cette catastrophe humaine par le biais d’une fiction très bien construite. Un roman vraiment brillant, tout en poésie, qui propose une réflexion puisée dans diverses religions sur une catastrophe. Une ode à la photographie et à l’oeil du photographe, qui s’exerce chaque jour pour capter l’essence d’une bonne photo malgré l’horreur, malgré la mort, malgré la maladie.
« Ne jouis pas de la vie avec tristesse. » (p.241)
Mes lectures sur l’Inde sont riches de belles découvertes ces derniers temps… Voici mon sixième coup de coeur de cette année que j’inscris bien entendu dans notre Challenge L’Inde en fêtes.
Un immense merci à et
aux Éditions
pour ce magnifique roman reçu dans le cadre de l’Opération Masse Critique.
une claque? c’est noté! je file à bibli!
@choupynette : J’espère pour toi qu’il y sera… Et que ce sera une claque pour toi aussi !
taguée
http://mazel-annie.blogspot.com/2011/05/tag.html
@Mazel : Je fonce voir ça ! D’avance, merci !
Pas le même genre de livre, mais toi non plus tu ne manque pas d’enthousiasme, et ça fait plaisir !
C’est dingue ce que si peu de pages peuvent nous faire ressentir. C’est un très beau billet ! Merci pour cette découverte, je ne connaissais ni le titre ni l’auteure.
j’aime les claques (sans être maso…)!!!!!
@MyaRosa : Et j’admire de plus en plus ces auteurs qui ne se sentent pas obligés de faire des livres de 700 pages pour être pris au sérieux. Écrire un long roman n’est pas chose aisée. Autant laisser cet exercice difficile à ceux qui maîtrisent et éviter des pavés indigestes qui nous tombent des mains ! Tomber sur une petite perle comme « Le livre rouge » et être ébahie en seulement 280 pages, c’est fort… Très fort même !
@Clara : Moi aussi ! Même s’il faut y être préparé pour bien la recevoir (c’était le cas ici…)
C’est vrai que cela semble intéressant ! j’espère que t’es remise et que tu es en voie de guérison !
@Véro : Mouais… C’est pas encore ça…